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Publié : 20 mai 2013
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b. L’aviation et notre quartier

LES BALBUTIEMENTS DE L’AVIATION ET NOTRE QUARTIER
 
En 1908, nous sommes aux premiers balbutiements de l’aviation et notre ville s’y intéresse de près. Le 31 juillet 1908, l’ingénieur Bajonneau donne une conférence salle Hardouineau sur les vols planés, avec projection relative à l’aérostation et l’aviation. Déjà, lors d’une interview en février, Delagrange suggérait la construction, en plus des hangars de Cercottes, de garages au terrain de Manœuvres des Groues, pour permettre aux aviateurs orléanais d’accomplir leurs envolées de début. Orléans, avec l’aéro-club du Centre, est décidée à faire tout ce qui lui sera possible en faveur de l’aviation.
A la mi-août, c’est chose faite. Outre l’autorisation d’effectuer des « expériences d’aviation sur le terrain militaire », le Ministère de la guerre a donné à bail le terrain nécessaire à l’édification d’un bâtiment. Le hangar, payé par la Municipalité, est construit au nord-ouest du champ de manœuvre à l’angle de la rue des Murlins et de la rue Pavée (est-ce la rue Croix Baudue ?). L’entreprise Venant emporte le marché pour 6 780 F. mais l’offre à 3 500 F. moyennant la possibilité d’affichage sur toutes les parois pendant dix ans. La charpente est en fer, ses dimensions sont impressionnantes : 14 m de large, 16 m de profondeur et 4 m de hauteur sous tirant. La porte fait 14 m de long et 5 m de haut.
A peine terminé, le hangar abrite déjà deux machines : la première reçoit des transformations au niveau du moteur mais on ne sait pas si elle volera ; la seconde, préparée à Paris, arrive par le train pour être assemblée dans le hangar au cours de la première semaine d’août. Probablement en l’honneur de sa ville d’accueil, elle reçoit le nom de Jehanne d’Arc. Son fuselage et ses plans sont en bambou, matériau fort coûteux donnant une résistance maximum pour un minimum de poids. Les hélices, en noyer et acajou, sont un remarquable travail d’ébénisterie. Elles sont entraînées par un moteur Grégoire 35/41 hp. Le Jehanne d’Arc est un monoplan très élaboré avec déjà des petits plans divergents. Peut-être la correspondance avec des volets sur les ailes pour assurer une meilleure portance à l’atterrissage comme au décollage ainsi que des volets correcteurs sur toutes les gouvernes, ailes, profondeur et gouvernail. Il mesure 5,60 m pour 9,50 m d’envergure.
Les essais débutent le 23 août en fin d’après midi et attirent plus de 1 200 curieux. L’avion sorti de son hangar sera remorqué par une voiture automobile jusqu’à la ligne de Tours, le nez face à St Jean de la Ruelle. C’est Monsieur Delable fils qui doit le piloter. Un tour de manivelle, le moteur ronfle et en avant ! L’oiseau file à vive allure, mais s’arrête au bout de 150 mètres. Revenu à son point de départ, l’essai sera réédité avec la même facilité. Il sera toutefois interrompu car l’aéroplane s’incline fortement à droite sur son chariot.
Rentré au hangar, le Jehanne d’Arc n’en sortira plus. Un peu plus tard, le maire d’Orléans priera le président de l’aéro-club de faire procéder à l’enlèvement de ces deux appareils dans les plus courts délais pour laisser la place disponible pour d’autres appareils. Les Orléanais devront attendre encore, mais peu de temps, pour voir les premiers avions voler.
 
(( Les pionniers de l’aviation dans le Loiret de Alain Kurc et le Cercle des cartophiles du Loiret.))


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L’ESSOR
 
Le premier vol soutenu au monde fut réalisé par les frères Wright le 17 décembre 1903 à Kitty Hawk. En septembre 1904, ils réalisèrent le premier virage et leur premier vol en circuit fermé. C’était il y a plus d’un siècle. Pour nous, au champ de manœuvre de la grange des Groues, le défi fut lancé par le prix Arnodin (mécène de Châteauneuf sur Loire, membre de l’aéro-club du Centre) : effectuer cinq tours consécutifs du terrain sans toucher terre. C’est Guyot qui, ayant transporté son aéroplane au hangar, se lance dans cette compétition sur un Blériot similaire à celui qui permit la première traversée de la Manche. Le 16 novembre 1909 à 5 heures du matin, les portes du hangar s’abaissent et l’aéroplane poussé par les mécaniciens apparaît. Une foule considérable envahit les abords du terrain. On compte jusqu’à cinq mille personnes. Le moteur ronfle (puissance 50 à 80 HP) et tourne à 1 500 t/mn. L’aéroplane est retenu par les mécaniciens et, au signe du pilote, c’est le lâchez-tout. A chaque mètre, son allure s’accroît et d’un bond l’oiseau monte à cinq mètres de hauteur. Volant à une vitesse minimum, il ne peut pas prendre de l’altitude. Il est obligé de se poser après avoir réussi son premier virage pour éviter les obstacles de l’environnement : les spectateurs indisciplinés marchant sur le terrain, la ligne de chemin de fer, la poudrière ou le hangar. A deux reprises, Guyot prend l’air et, chaque fois, il doit se reposer. Au quatrième essai, le tour est presque réalisé, mais l’heure tardive met un terme à cette journée mémorable qui a vu un aéroplane voler sur un terrain orléanais : les Groues. La ville offrira 50 francs pour sa participation aux frais.
Après avoir vu le premier aéroplane voler, on assiste à l’arrivée du premier pilote venant par la voie des airs. Le 10 septembre 1910, c’est Bielovucic, jeune pilote d’origine Péruvienne, célèbre par le premier vol du Dôme des Invalides et de la tour Eiffel, reliant Bordeaux avec son biplan Voisin, qui fait escale dans notre ville. Il la survole et contourne la cathédrale dans un magnifique virage avant de venir se poser sans avarie face à la poudrière. Il nous donne ses impressions : « Je suis enchanté, mais sapristi, il ne fait pas chaud là-haut ». Les membres de l’aéroclub du Centre et M. le maire Courtin-Rossignol adressent leur chaudes félicitations : « Au premier voyageur venu jusque dans notre ville par voie des airs ». Là aussi, une foule de curieux se forme, arrivés en voiture à cheval, à bicyclette ou à pied. Le soir venu, il faut démonter l’aéroplane pour le remiser dans le hangar déjà trop petit. Ensuite le pilote, après un rapide repas et une bonne nuit, repart le lendemain en direction de Poitiers. Il a attaché à chacune de ses cuisses une carte lui indiquant la route de Tours, puis Poitiers. L’aéroplane roule parallèlement à la rue des Murlins, vers le nord, puis après avoir décollé, vire deux fois au dessus de l’aérodrome, montant progressivement jusqu’à 200 mètres.

((sources : Les Pionniers de l’aviation dans le Loiret de Alain Kurc et le cercle des cartophiles du Loiret – le petit Larousse))